« Charleville-Mézières est la plus idiote des villes de province. » A en juger par l’énergie et les moyens déployés par la cité ardennaise pour fêter le 150e anniversaire de la naissance d’Arthur Rimbaud, Charleville-Mézières a pardonné à son poète maudit ces excès de violence verbale tout adolescente. Pendant cette Année Rimbaud, la ville et sa région ont organisé expositions, parcours de lectures et spectacles. Demain sera inaugurée la pièce maîtresse de cette oeuvre de réconciliation : la Maison Rimbaud. Sise au 7, quai Arthur-Rimbaud, cette demeure accueillit madame Rimbaud et ses quatre enfants de 1869 à 1875 ; les années d’écriture pour le jeune Arthur. Plutôt qu’un banal musée, qui existe déjà, à cent mètres de là, dans un ancien moulin sur la Meuse, la Maison Rimbaud, aussi appelé « Maison des Ailleurs », est une invitation au voyage dans l’esprit du poète. L’architecture de la demeure a été conservée, ainsi que l’escalier brinquebalant d’époque et certaines tapisseries usées. Les pièces, chacunes dédiées à un « ailleurs » que « l’homme aux semelles de vent » a visité au cours de sa vie (Bruxelles, Marseille, Harar en Ethiopie…) sont quasi vides. Juste habitées par des projections et les lectures que débitent de discrets haut-parleurs. Les textes se chevauchent, le résultat est étonnant. Une atmosphère se dégage. « Le véritable objet de musée, c’est la maison, lieu de poésie », explique Alain Tourneux, conservateur de la demeure. Ce projet audacieux dépoussière sérieusement l’idée que l’on se fait des commémorations. Rimbaud détestait les honneurs et les hommages. Charleville le lui rend bien en optant pour une oeuvre d’art contemporain atypique pleine d’une fougue toute rimbaldienne. Tandis que sur la place Ducale, le sculpteur allemand Ottmar Hörl a installé huit cents têtes de Rimbaud plantées sur des piques. Cette oeuvre iconoclaste aurait sans doute touché le poète.
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